
Publié le 15 septembre 2025
Le cinéma est un art majeur, non par imitation des autres, mais par la création d’un langage et d’une expérience esthétique qui lui sont propres.
- Sa reconnaissance en tant que « septième art » est le fruit d’une bataille intellectuelle du début du XXe siècle.
- La « politique des auteurs » a prouvé qu’un film pouvait être l’œuvre personnelle d’un réalisateur, au même titre qu’un roman ou une peinture.
Recommandation : Abordez chaque film non comme un simple divertissement, mais comme une proposition esthétique à interroger pour en découvrir la richesse.
Combien de fois un passionné de cinéma a-t-il entendu cette phrase, teintée d’un léger dédain : « Ce n’est que du cinéma » ? Comme si cette passion était moins légitime, moins « noble » que celle pour la littérature, la peinture ou la musique classique. Cette idée reçue, tenace, relègue le cinéma au rang de simple divertissement, d’industrie culturelle, lui déniant le statut d’art à part entière. Pourtant, cette vision ignore plus d’un siècle de réflexions, de créations et de révolutions esthétiques qui ont façonné ce que l’on nomme, à juste titre, le septième art.
Cet article n’est pas une simple compilation de faits. C’est un manifeste, une boîte à outils intellectuelle destinée à tous les cinéphiles qui souhaitent pouvoir articuler leur passion avec fierté et conviction. Il s’agit de dépasser le stade du « j’aime / j’aime pas » pour comprendre les mécanismes profonds qui font d’un film une œuvre d’art. En explorant l’histoire de sa reconnaissance, les concepts clés comme la politique des auteurs, et la nature même de l’expérience esthétique, nous allons fournir les arguments pour clore ce faux débat. Car oui, le cinéma est bien un art, doté de son propre langage, de ses maîtres et de ses chefs-d’œuvre immortels.
Pour ceux qui préfèrent un format condensé, la vidéo suivante résume de manière efficace la genèse du cinéma et les raisons de son appellation en tant que septième art. Elle constitue une excellente introduction visuelle aux concepts que nous allons approfondir.
Pour aborder ce sujet de manière claire et progressive, voici les points clés qui seront explorés en détail. Chaque section apportera une pierre à l’édifice, construisant une défense argumentée et passionnée du cinéma en tant qu’art majeur de notre temps.
Sommaire : Comprendre la légitimité artistique du cinéma
- Les origines de l’expression « septième art » : une légitimation historique
- La figure du réalisateur-auteur : un film peut-il avoir une seule voix ?
- Identifier un film d’art sans être critique : trois clés de lecture essentielles
- Dépasser le cliché de l’ennui : la vitalité insoupçonnée du cinéma d’art
- La place du cinéma aujourd’hui : comment dialogue-t-il avec les autres formes d’art ?
- La distinction fondamentale entre le « joli » et le « beau » au cinéma
- Culture de masse ou vision d’auteur : quel cinéma façonne notre imaginaire ?
- Comment transcender le goût personnel pour atteindre une véritable expérience cinématographique ?
Les origines de l’expression « septième art » : une légitimation historique
L’appellation « septième art » n’est pas une simple formule poétique ; elle est le symbole d’une véritable lutte pour la reconnaissance artistique du cinéma à ses débuts. Alors qu’il était considéré comme une attraction de foire ou un simple divertissement populaire, des intellectuels se sont battus pour lui conférer ses lettres de noblesse. Le cinéma a dû prouver qu’il n’était pas qu’une simple reproduction mécanique du réel, mais bien un nouveau moyen d’expression capable de générer des émotions et des idées avec une force inédite.
Cette bataille a été menée par des critiques et des théoriciens visionnaires. L’un des plus importants fut le critique franco-italien Ricciotto Canudo. C’est lui qui, le premier, a cherché à positionner le cinéma au sein de la hiérarchie des arts. Selon une analyse retraçant l’histoire du terme du 7e art, l’expression est apparue dès 1911 avant d’être popularisée par Canudo en 1919. Il voyait le cinéma comme la synthèse parfaite des arts plastiques (l’architecture, la sculpture, la peinture) et des arts rythmiques (la musique, la danse, la poésie).
Pour Canudo, le cinéma transcendait les autres formes d’expression en les intégrant dans une nouvelle dimension, celle du mouvement et du temps. Il ne se contentait pas de copier, il créait un langage. Dans son manifeste « La Naissance d’un sixième art », qui sera plus tard renuméroté, il affirmait avec force sa vision :
Le cinéma devient un véritable « art total » capable de refléter la richesse de la vie à travers une esthétique polymorphe et puissante.
– Ricciotto Canudo, La Naissance d’un sixième art
Cette légitimation intellectuelle a été fondamentale. Elle a permis de changer le regard porté sur les films, invitant les spectateurs et les créateurs à envisager le potentiel artistique infini de ce nouveau médium. Le terme « septième art » est donc le rappel constant que le cinéma a gagné sa place parmi les arts majeurs par la force d’une vision et d’une ambition esthétique.
La figure du réalisateur-auteur : un film peut-il avoir une seule voix ?
Si le cinéma est un art, qui en est l’artiste ? Un film est une œuvre collective, fruit du travail de centaines de techniciens, acteurs, scénaristes et producteurs. Comment, dans ce cas, l’attribuer à un seul « auteur » ? Cette question est au cœur d’un des concepts les plus influents de la critique cinématographique : la « politique des auteurs ». Née en France dans les années 1950, au sein de la revue des *Cahiers du cinéma*, cette théorie a radicalement changé la manière de voir les films et surtout, les réalisateurs.
Portée par de jeunes critiques qui deviendront les cinéastes de la Nouvelle Vague, comme François Truffaut ou Jean-Luc Godard, cette politique consistait à défendre une idée simple mais révolutionnaire. Pour eux, les plus grands réalisateurs, même au sein du système très contraignant des studios hollywoodiens, parvenaient à imposer une vision du monde et un style personnel à travers leurs films. Le réalisateur n’était plus un simple metteur en images, mais le véritable auteur de son œuvre. François Truffaut a défini ce concept de manière très claire :
La politique des auteurs consiste à donner au réalisateur le statut d’auteur au-dessus de tout autre intervenant, et à considérer le film comme une œuvre de ce réalisateur, pas simplement un produit collectif.
– François Truffaut, Les Cahiers du cinéma
Cette approche a permis de réévaluer des cinéastes comme Alfred Hitchcock, Howard Hawks ou John Ford, auparavant vus comme de bons artisans, pour les élever au rang de véritables artistes. La critique a commencé à chercher les thèmes récurrents, les obsessions visuelles et les partis pris de mise en scène qui traversaient l’ensemble de leur filmographie. Comme l’explique une analyse de la politique des auteurs, il s’agit de défendre la singularité d’une œuvre, même lorsque les films appartiennent à des genres très différents. Un western de John Ford et un drame social de John Ford sont avant tout des films *de* John Ford.
Cette idée est aujourd’hui largement acceptée. Quand on parle d’un film de Quentin Tarantino, de Sofia Coppola ou de Denis Villeneuve, on s’attend à un certain style, à une atmosphère particulière, à une intentionnalité artistique forte. C’est la preuve que la politique des auteurs a triomphé : le réalisateur est bien l’auteur principal du film.
Identifier un film d’art sans être critique : trois clés de lecture essentielles
Le terme « film d’art » peut sembler intimidant, réservé à une élite de critiques et d’universitaires. Pourtant, reconnaître l’ambition artistique d’un film est à la portée de tous. Il ne s’agit pas de posséder un savoir encyclopédique, mais d’adopter une posture active de spectateur, en se posant les bonnes questions. Loin des formules toutes faites, il existe des indices concrets qui distinguent un film visant une expérience esthétique d’un produit de consommation courante.
Le célèbre critique américain Roger Ebert offrait une perspective éclairante sur le sujet. Pour lui, le film d’art engage le spectateur sur un plan intellectuel et émotionnel différent. Comme il le notait dans une de ses critiques, un film d’art est souvent qualifié comme une expérience en grande partie cérébrale, appréciée pour sa connaissance du cinéma. Cela ne signifie pas qu’il est dénué d’émotion, mais que cette émotion naît souvent d’une réflexion sur la forme même du film. Pour s’orienter, on peut s’appuyer sur trois questions fondamentales lorsqu’on regarde un film.
Ces interrogations aident à déplacer le focus du simple « qu’est-ce que ça raconte ? » vers le « comment ça le raconte ? ». Voici une liste inspirée des critères souvent utilisés pour définir le cinéma d’art et d’essai :
- L’intention prime-t-elle sur l’action ? Le film cherche-t-il avant tout à explorer les pensées, les rêves ou les motivations profondes des personnages, plutôt qu’à simplement enchaîner les péripéties d’une intrigue ?
- La vision du réalisateur est-elle palpable ? Ressent-on une signature, un style visuel ou narratif singulier qui se distingue des conventions ? Le film met-il l’accent sur l’expressivité du réalisateur ?
- Le film dialogue-t-il avec le spectateur ? Laisse-t-il des zones d’ombre, des questions ouvertes, invitant à l’interprétation, ou livre-t-il toutes les réponses de manière prémâchée ?
Se poser ces questions, c’est déjà sortir du rôle de consommateur passif pour devenir un spectateur actif et engagé.
Checklist d’audit pour analyser la portée artistique d’un film
- Points de contact : lister les éléments formels qui se démarquent (cadrage, montage, bande-son, jeu d’acteur).
- Collecte : inventorier les scènes où le temps semble s’étirer ou s’accélérer, où la narration devient non linéaire.
- Cohérence : confronter ces choix formels au propos du film. Servent-ils l’émotion, l’idée, le personnage ?
- Mémorabilité/émotion : repérer les images ou les sons qui persistent après la vision. Qu’est-ce qui est unique vs générique ?
- Plan d’intégration : synthétiser comment ces éléments créent une expérience globale qui va au-delà de l’histoire racontée.
Dépasser le cliché de l’ennui : la vitalité insoupçonnée du cinéma d’art
L’un des préjugés les plus tenaces envers le cinéma d’art est qu’il serait intrinsèquement ennuyeux, austère, voire prétentieux. Cette idée fausse provient d’une confusion entre exigence et absence de plaisir. On imagine de longs plans silencieux, des intrigues absconses et des personnages inexpressifs. Si ce type de cinéma existe et possède sa propre beauté, il ne représente qu’une infime partie de la richesse et de la diversité du cinéma d’auteur mondial.
En réalité, un film d’art cherche souvent à procurer un plaisir esthétique différent, plus profond et plus durable que l’excitation immédiate d’un blockbuster. Il ne vise pas l’efficacité à tout prix, mais la résonance. Il peut être spectaculaire, drôle, terrifiant, sensuel ou trépidant. Pensez à l’énergie visuelle d’un film de Wong Kar-wai, à l’humour absurde de Roy Andersson, à la tension psychologique d’un thriller de Park Chan-wook ou à la flamboyance baroque de Pedro Almodóvar. Aucun de ces cinéastes ne peut être qualifié d’ennuyeux.
Leur point commun est de proposer une expérience sensorielle et intellectuelle forte, qui sollicite l’intelligence et la sensibilité du spectateur. Le plaisir ne vient pas seulement de ce qui est montré, mais de la manière dont c’est montré. C’est le plaisir de déceler une idée dans un mouvement de caméra, de ressentir une émotion complexe à travers un choix de couleur, ou d’être surpris par une audace narrative.
Un témoignage sur la nature du septième art résume bien cette idée en allant à l’encontre des croyances populaires. Il souligne que, contrairement à la croyance populaire, un grand film d’art peut être engageant, vif et esthétique sans être ennuyeux. L’expérience est souvent intense et stimulante, car elle nous invite à voir le monde différemment. Le piège de « l’ennui poli » se referme sur ceux qui attendent du cinéma d’art qu’il leur serve les mêmes recettes que le cinéma grand public. En acceptant d’être déstabilisé, le spectateur s’ouvre à des formes de plaisir cinématographique bien plus vastes et mémorables.
La place du cinéma aujourd’hui : comment dialogue-t-il avec les autres formes d’art ?
Depuis sa naissance, le cinéma a entretenu une relation dynamique et complexe avec les arts qui l’ont précédé. Conçu initialement par Canudo comme la synthèse de tous les autres, il n’a cessé de prouver sa nature de « carrefour des arts ». Il emprunte à la peinture pour sa composition des cadres, à la littérature pour ses structures narratives, au théâtre pour sa direction d’acteurs, et à la musique pour son pouvoir émotionnel. Mais loin d’être un simple agrégat, le cinéma transforme et réinvente ces influences grâce à son outil propre : le montage, qui organise le temps et l’espace comme aucun autre art ne peut le faire.
Au fil du temps, cette relation a évolué. Le cinéma n’est plus seulement un art qui emprunte, il est aussi devenu une source d’inspiration majeure pour les autres disciplines. Des peintres s’inspirent de l’esthétique cinématographique, des écrivains adoptent des techniques de montage dans leurs romans, et des chorégraphes intègrent la vidéo dans leurs spectacles. Une analyse de l’évolution de la place du cinéma parmi les arts montre bien comment il a été pensé comme un pont, intégrant danse, musique, et arts visuels, et comment il continue d’évoluer avec les technologies pour rester pertinent.
Aujourd’hui, à l’ère du numérique, cette hybridation s’accélère. Les jeux vidéo, parfois qualifiés de « dixième art », empruntent massivement au langage cinématographique pour leurs cinématiques et leur mise en scène. Les séries télévisées, avec leurs budgets et leurs ambitions narratives, rivalisent avec le cinéma d’auteur. Cette porosité des frontières ne diminue pas le cinéma, au contraire : elle confirme son statut de langage universel et sa capacité à s’adapter.
La nature synthétique du cinéma est plus évidente que jamais. Une étude sur la pratique cinématographique contemporaine a révélé qu’environ 75% des films actuels combinent musique, image et arts de la scène de manière intrinsèque. Le cinéma reste ce creuset où les formes d’expression fusionnent pour créer une expérience totale, prouvant qu’il est plus que jamais le septième art, un art central dans la culture contemporaine.
La distinction fondamentale entre le « joli » et le « beau » au cinéma
Dans la défense du cinéma comme art, il est crucial de faire la distinction entre deux notions souvent confondues : le « joli » et le « beau ». Un film peut être rempli de « jolies » images – des paysages magnifiques, des acteurs séduisants, des couleurs harmonieuses – sans pour autant atteindre au « beau ». Le joli est de l’ordre de l’agréable, du décoratif. Il flatte le regard mais sollicite rarement l’esprit ou l’âme. C’est une satisfaction esthétique de surface, immédiate et souvent sans lendemain.
Le beau artistique, en revanche, est d’une toute autre nature. Il peut être dérangeant, disharmonieux, voire violent. La beauté d’un film ne réside pas nécessairement dans son aspect plaisant, mais dans la cohérence et la puissance d’une vision. C’est la pertinence absolue d’un choix de cadre, la justesse d’un silence, la vérité d’un visage filmé sans fard. Le beau peut naître de la laideur, du chaos ou de la tristesse, car il révèle une vérité sur la condition humaine ou sur le monde. Comme le résume une analyse esthétique du joli versus le beau, le joli est souvent perçu comme agréable mais sans grandeur, tandis que le beau possède une reconnaissance plus universelle.
Cette distinction a été théorisée bien avant le cinéma. Le philosophe Émile Durkheim, dans un de ses cours, offrait une hiérarchie claire qui s’applique parfaitement à l’analyse de films. Il affirmait que le beau est l’état normal de l’art; le joli en est un caprice. Un film peut donc être « joli » et vide, tandis qu’un autre, visuellement plus âpre, peut atteindre des sommets de beauté artistique.
Penser à la photographie granuleuse en noir et blanc de *Elephant Man* de David Lynch ou à la violence stylisée de *La Haine* de Mathieu Kassovitz. Ces films ne sont pas « jolis » au sens conventionnel. Pourtant, ils sont habités par une puissance esthétique indéniable, une beauté qui naît de l’adéquation parfaite entre la forme et le fond. Reconnaître cela, c’est comprendre que l’art ne cherche pas toujours à nous plaire, mais à nous émouvoir, nous interroger et nous transformer.
Culture de masse ou vision d’auteur : quel cinéma façonne notre imaginaire ?
Le débat sur la légitimité artistique du cinéma est souvent polarisé par l’opposition entre deux modèles : le blockbuster, conçu pour le divertissement de masse, et le film d’auteur, tourné vers l’expression personnelle. Le premier est accusé de formater les esprits avec des recettes éprouvées, tandis que le second est parfois perçu comme élitiste et déconnecté du public. Mais cette dichotomie est-elle si simple ? Et surtout, lequel de ces deux cinémas influence le plus notre vision du monde ?
Le blockbuster, avec sa puissance de frappe financière et marketing, a un impact culturel indéniable. Il crée des mythes modernes, des icônes planétaires et des références partagées par des milliards de personnes. Son objectif premier est la rentabilité économique, ce qui implique souvent une standardisation des récits et une simplification des enjeux moraux. Le film d’auteur, à l’inverse, dispose d’un budget limité et vise un public plus restreint. Sa finalité est avant tout l’expression d’une vision artistique, quitte à expérimenter, déranger ou déplaire. La liberté de création y est généralement totale.
Le tableau suivant met en lumière les différences fondamentales qui opposent ces deux approches de la production cinématographique.
Critère | Blockbuster | Film d’auteur |
---|---|---|
Budget | Très élevé, financement massif | Souvent limité, financement indépendant |
Objectif | Divertissement de masse, rentabilité | Expression artistique, expérimentation |
Public | Large, international | Niche, averti |
Liberté créative | Souvent restreinte | Totale |
Cependant, la frontière entre ces deux mondes est de plus en plus poreuse. Des cinéastes comme Christopher Nolan, Denis Villeneuve ou Bong Joon-ho ont réussi à injecter une véritable vision d’auteur au cœur de productions à gros budget. Ce phénomène a donné naissance au concept de « blockbuster d’auteur », soulignant que grand public ne rime pas forcément avec simplification. Ces films prouvent qu’il est possible de toucher un large public tout en proposant une complexité narrative et esthétique.
À retenir
- Le statut de « septième art » est une conquête intellectuelle et non une évidence de départ.
- Un réalisateur peut être considéré comme l’auteur d’un film grâce à la cohérence de sa vision.
- Un film d’art se juge sur l’intention et la forme, pas seulement sur son histoire.
- La beauté artistique au cinéma peut naître de l’inconfort et ne vise pas toujours à plaire.
- Blockbusters et films d’auteur coexistent et peuvent s’enrichir mutuellement pour le spectateur averti.
Comment transcender le goût personnel pour atteindre une véritable expérience cinématographique ?
Au terme de ce parcours, la conclusion est claire : réduire un film à un simple « j’aime » ou « j’aime pas », c’est passer à côté de l’essentiel de ce que le cinéma, en tant qu’art, peut nous offrir. Le goût personnel est subjectif, immédiat, souvent conditionné par nos habitudes et nos humeurs. L’expérience esthétique, elle, est d’une autre nature. C’est un engagement, une rencontre entre une œuvre et une conscience, qui nous transforme durablement.
Vivre une telle expérience demande une certaine ouverture d’esprit. Il faut accepter de mettre de côté ses attentes, de se laisser surprendre, voire déconcerter. Il s’agit de s’intéresser au « comment » plutôt qu’au « quoi ». Comment ce mouvement de caméra crée-t-il un sentiment de malaise ? Pourquoi ce silence est-il plus puissant que n’importe quel dialogue ? Comment ce montage nous fait-il ressentir le passage du temps ? C’est dans ces questions que se niche la véritable appréciation artistique. Une étude sur l’expérience esthétique immersive au cinéma met en évidence que celle-ci repose sur une impression de réalité qui enveloppe le spectateur et favorise un plaisir intense, bien au-delà du simple jugement de goût.
Cette immersion n’est pas passive. Elle nous demande d’être pleinement présents, d’activer notre intelligence et notre sensibilité. Il s’agit d’une posture philosophique, où le spectateur se connecte à la vision du monde du cinéaste. Comme le formule un philosophe dans une étude sur l’éducation esthétique :
C’est bien en tant que « conscience jetée dans le monde » que nous regardons, vivons, comprenons et éprouvons le film.
– Philosophe de l’esthétique, Étude sur l’éducation esthétique au cinéma
La prochaine fois que quelqu’un réduira le cinéma à un simple passe-temps, vous aurez les arguments pour répondre. Vous pourrez expliquer que derrière chaque film se cache un langage, des choix, une vision. Et que s’y confronter, c’est s’offrir bien plus qu’un divertissement : c’est vivre une expérience humaine et artistique fondamentale.
Évaluez dès maintenant votre prochaine séance non plus comme une distraction, mais comme une opportunité d’explorer une nouvelle facette de cet art majeur.